Rééducation orthophonique des personnes atteintes
du syndrome de Moebius
Il faut prévoir plusieurs axes en fonction de l’âge auquel le patient consulte et en fonction du niveau d’atteinte.
Dans le cadre d’une guidance parentale et d’une éducation précoce
A la naissance, souvent on constate des difficultés d’alimentation dues au fait que les lèvres n’enserrent pas le mamelon ou la tétine. Il faudra prendre en charge le nourrisson de façon précoce pour stimuler et muscler la langue le plus possible et montrer à la mère des positions palliatives permettant de téter correctement. Des aides techniques comme les biberons coudés ou les biberons Haberman peuvent aider l’alimentation.
Souvent, il y a des difficultés au niveau du tonus et il faudra guider le tout petit à redresser sa tête et à orienter son regard vers celui du locuteur afin de mettre en place l’attention conjointe et la perception des mimiques de l’autre très utiles à la compréhension de situations de communication.
Dès l’âge de 18 mois
Il faut bien repérer s’il n’existe pas quelque ébauche d’un petit mouvement même infime sur le visage afin de le développer si possible. On travaillera surtout la musculature de la pointe de langue afin de favoriser la fermeture buccale par l’appui de l’apex relevé sur la lèvre supérieure contre la lèvre inférieure. Ce geste permet de réaliser des bi labiales très correctes.
Ensuite, la guidance évoluera vers
- la mise en place d’une articulation la plus intelligible possible
- le langage (lexique, phonologie et morphosyntaxe, ainsi que le débit, l’intonation et le rythme des phrases)
- le travail des praxies possibles notamment la fermeture des mâchoires afin de faire cesser le bavage avant l’entrée à l’école et la tonicité de l’apex lingual.
- le travail de la fermeture palpébrale en augmentant la verticalité du regard de haut en bas afin d’entraîner la descente de la paupière le plus bas possible puis on effectuera des lissages de la paupière vers le bas par petites touches jusqu’à ce que les cil se touchent.
A cette époque, il faut travailler parallèlement la mastication souvent faible et la déglutition de la salive en exagérant l’aspiration bruyante de cette salive afin que l’enfant ait un contrôle de son bavage. Le son sert de feed-back.
Ce travail a un double rôle :
- prévenir ou limiter l’amyotrophie linguale souvent présente et améliorer le travail de la langue lors de la mastication
- renforcer la musculature des muscles temporaux qui sont alimentés par le trijumeau (et sont de ce fait épargnés mais parfois un peu faibles à cause du manque de tonus lors de la mastication), au cas où, plus tard, on puisse pratiquer une myoplastie des temporaux et obtenir ainsi le sourire.
Si l’enfant présente un léger retard intellectuel (ce qui est assez rare) il faudra axer la rééducation sur la compréhension et le jeu symbolique afin de travailler la pragmatique et la sémiotique du langage.
Travailler le balayage du regard est important car on mettra ainsi en place le sens de gauche à droite en prévision de la lecture. On peut se servir de puzzles qui aideront l’enfant à affiner la coordination œil/main et la préhension fine des pièces saisies entre le pouce et l‘index ainsi que son organisations spatiale : différentiation du cadre et de l’intérieur de l’image, apprentissage des couleurs, classement des formes et sériation des pièces des bords ou du milieu.
Travail des apprentissages de type scolaire
Puis, dès l’entrée à l’école maternelle, il faudra suivre l’insertion de l’enfant, informer les enseignants et éventuellement prévoir la mise en place par la MDPH d’une AVS.
On suivra l’enfant pour sa parole mais aussi pour la tenue de l’outil scripteur car bien souvent il y a une atteinte des doigts ou de la main qui gênent cette préhension. Des aides techniques existent pour favoriser la préhension fine.
L’enfant va être confronté aux autres enfants que son amimie peut gêner. Il faut développer chez lui un langage émotionnel par le corps afin qu’il puisse transmettre ses émotions et mettre du sens à sa communication. Exemple : S’il rit, accompagner le rire émis par des petites secousses des épaules, comme quelqu’un qui s’esclaffe. S’il est triste, baisser la tête sur le côté avec les épaules en bas. S’il s’indigne, mettre les poings sur les hanches et fixer l’autre, etc...
Par la suite, la prise en charge va se différencier selon les options choisies
Soit ce sera un suivi ponctuel des apprentissages scolaires selon les difficultés spécifiques de l’enfant (comme dans le cas de l’enfant tout venant), surtout lors de l’apprentissage des langues dont l’articulation peut poser quelques problèmes.
Soit l’opération (myoplastie des temporaux) aura été effectuée et la prise en charge sera très spécifique alors pour l’obtention d’un futur sourire spontané grâce à la plasticité cérébrale stimulée par la rééducation.
Dans le cas où c’est un adulte qui consulte
Le travail orthophonique consistera alors
- à contrôler son articulation,
- à contrôler sa mastication
- à vérifier les praxies linguales et l’amyotrophie linguale s’il y en a une
- à vérifier la fermeture palpébrale ainsi que le balayage vertical et latéral du regard
1. Voir si une amélioration est possible sur ces différents aspects selon ce que le thérapeute aura observé.
2. Si le patient ne la connaît pas, lui exposer l’opération de la myoplastie des temporaux pour qu’il puisse faire son choix en toute connaissance de cause.